
Ca y est vous l’avez ce job ! Votre contrat en poche, vous allez entrer dans le monde de l’entreprise. Qu’il s’agisse d’un job d’été, d’un stage, d’un CDD ou d’un CDI, peu importe : entre votre premier jour et le moment où vous serez autonome dans votre travail, vous allez apprendre beaucoup, et allez également vivre beaucoup de choses avec votre entourage.
Et parfois, vous ressentirez peut-être de la frustration, de l’impatience, de la colère et vous vous demanderez pourquoi ça coince. Pas de panique ! Pour vous aider à y voir plus clair et à faire de ce premier poste un succès, je propose de vous expliquer les différentes étapes que vous allez traverser.
Dans ce premier poste, vous avez beaucoup de choses nouvelles à apprendre. Certes on vous a choisi pour ce que vous allez apporter à l’entreprise, mais vous allez néanmoins devoir passer par une phase d’apprentissage. Il y aura l’aspect technique de votre job, bien sûr, mais aussi l’aspect relationnel. Qui fait quoi ? qui décide de quoi ? qu’est-ce qui se fait et ne se fait pas ? Bref, dans cette étape vous allez beaucoup dépendre des autres et notamment de votre responsable pour qu’il vous forme. C’est ce qu’on appelle l’étape de la “dépendance”. Il est tout à fait normal de passer par cette étape avant de pouvoir travailler et de prendre des décisions seul.
Mais dépendance ne signifie pas passivité, au contraire au cours de cette étape, n’hésitez pas à être très actif, à poser des questions, observer, montrer que vous êtes motivé et avez envie d’apprendre et de vous intégrer.
Puis, petit à petit, votre esprit critique va se mettre en marche, vous allez évaluer comment on travaille ici en comparaison avec ce que vous avez appris pendant vos études ou en comparaison avec une entreprise dans laquelle vous avez fait un stage. Et vous allez vous plaindre, critiquer les plus anciens, vous avez besoin de vous démarquer et allez tester votre entourage. Cette phase appelée “contre-dépendance” est un peu l’adolescence de votre job. Vous serez en rébellion contre les choses et les gens, allez peut être vous isoler avec certaines personnes, par exemple avec d’autres jeunes embauchés, vous trouverez pesante la présence de votre manager, remettre en question ce qu’il vous propose, etc.
Même si sur certains points vous aurez certainement raison, et que cette étape est une étape naturelle de votre «croissance» dans cette entreprise, attention tout de même à ne pas manquer d’humilité. N’oubliez pas que l’entreprise existait et fonctionnait avant que vous n’arriviez !
Et cela va vous amener peu à peu à faire les choses à votre façon. Vous êtes maintenant capable de faire les choses tout seul alors vous les faites de votre côté, n’avez envie de partager avec personne, de rendre de compte à personne. Vous entrez dans la phase d’“indépendance”. Vous voulez prouver que faire à votre manière ça fonctionne. Vous voulez prouver que vous êtes la bonne personne pour ce poste. Exactement comme quand vous quittez le nid familial, vous voulez prouver que vous pouvez vous débrouiller tout seul ! Vous allez explorer de nouvelles alternatives, mais aurez du mal à écouter les idées des autres en réunion ou à rendre compte de vos activités.
Et puis finalement, vous allez vous rendre compte que dans une entreprise, il est difficile d’avancer seul, et surtout, que les autres peuvent beaucoup vous apporter. Ce n’est pas parce que l’on écoute les idées des autres ou que l’on demande des avis que l’on n’est pas compétent ! Maintenant que vous avez conscience des différences de chacun et de la richesse que cela engendre, vous allez engager des relations nouvelles avec les personnes dont vous étiez auparavant dépendant. Vos interactions, que vous choisirez en fonction de la tache accomplir seront productives. C’est l’étape de l’“interdépendance”.
Et après ?
On recommence ! Tout ce processus, appelé « le cycle de la dépendance » est un processus cyclique qui se déroule en spirale. Katherine Symor, qui a développé ce concept, explique que l’on revient régulièrement à la dépendance, à chaque fois qu’on aborde un problème nouveau. Ainsi ce cycle recommence à chaque nouveau poste, même si c’est le 5ème, mais aussi pour un nouveau groupe projet, une nouvelle problématique à résoudre, un changement de manager… Heureusement, les cycles suivants s’accomplissent à un rythme beaucoup plus rapide.
Savez-vous vous situer dans votre chemin vers l’autonomie ?
Si vous savez dans quelle phase vous vous situez, il est plus facile de savoir ce dont vous avez besoin ou ce sur quoi vous devez être vigilant. Au stade de la dépendance, vous avez besoin de passer du temps avec votre manager, d’être épaulé pour prendre des décisions, de faire des points réguliers sur l’avancement de vos projets. Au stade de la contre-dépendance, vous avez besoin de « répondant », mais aussi d’acceptation de votre personne même si vous êtes dans une phase rebelle. Enfin, au stade de l’indépendance, vous aurez besoin d’espace pour expérimenter, mais aussi d’un cadre protecteur, un point mensuel avec votre manager par exemple.
Vous l’aurez compris, le cycle de la dépendance fonctionne dans les deux sens: quand on est managé, mais aussi quand on est manager. Vous serez en effet beaucoup plus efficace avec votre équipe si vous savez reconnaitre dans quelle phase se situent vos collaborateurs !
Passer d’une étape à l’autre
Repérer la phase dans laquelle vous vous trouvez est également important pour pouvoir passer à la phase suivante. Même si le passage d’une phase à une autre se fait « naturellement », chaque passage exige une transformation interne car il y a à chaque fois un processus de deuil. Vincent Lenhardt, qui a repris le concept du cycle de la dépendance dans son livre « Les responsables porteurs de sens », y explique ce que l’on perd et ce que l’on gagne à chaque fois. Entre l’étape de dépendance et celle de contre-dépendance, on perd le confort de la prise en charge, mais on gagne la possibilité de dire non et de s’affirmer. Entre la contre-dépendance et l’indépendance, on perd la possibilité de rejeter la faute sur l’autre, mais on gagne en responsabilité. Enfin, entre l’indépendance et l’interdépendance, on perd la possibilité de vivre à son propre rythme mais on gagne la possibilité de gérer la relation avec l’autre. Et ça, c’est toute la richesse de la vie en entreprise!
Références
Nola Katherine Symor, “Le cycle de la dépendance” in Les Classiques de l’analyse transactionnelle N°3, Editions d’Analyse Transactionnelle.
Vincent Lenhardt, “Les responsables porteurs de sens”, Editions Julhiet